Dans le secteur de l’alimentation animale, la conformité réglementaire est un pilier incontournable : qu’il s’agisse d’aliments pour volailles, porcs, ruminants, poissons ou animaux de compagnie, chaque produit mis sur le marché européen doit répondre à un ensemble d’exigences complexes.
Face à la complexité du cadre européen, de plus en plus de metteurs en marché testent aujourd’hui les capacités de l’intelligence artificielle (IA) pour générer leurs documents réglementaires : étiquetage, fiches produit, allégations, voire dossiers de mise sur le marché.
Pourtant, l’IA n’est pas (encore) en mesure d’assurer la conformité exigée par les règlements européens.
Chez Djinco, nous avons récemment accompagné un client metteur en marché d’un nouvel aliment complémentaire pour les chiens. Bien que ce client ait fait appel à l’IA pour vérifier la conformité de l’étiquetage et des allégations, l’audit réglementaire a mis en évidence plusieurs points nécessitant une révision afin de garantir la conformité de la mise en marché.
Cet exemple illustre une tendance croissante : l’IA peut accélérer la documentation, mais ne remplace ni la compréhension scientifique ni l’interprétation réglementaire humaine.
Le cadre réglementaire européen des aliments pour animaux
L’Union européenne encadre strictement la production, la mise sur le marché et l’étiquetage des aliments pour animaux. Les principaux textes de référence sont :
Définitions clés
Ces définitions sont issues du Règlement (CE) 767/2009, et conditionnent la manière de formuler, d’étiqueter et de commercialiser tout produit.
Pourquoi l’IA séduit les metteurs en marché
L’IA semble offrir des gains de temps et d’efficacité. Quelques exemples :
Sur le papier, ces outils semblent faciliter l’accès à la conformité.
Mais en pratique, ils se heurtent à la complexité du droit européen : un corpus vivant, précis, et qui exige une interprétation contextualisée qui demande une lecture experte et actualisée.
Les limites de l’IA en réglementation feed (périmètre UE)
Les modèles d’IA s’appuient sur des corpus textuels partiellement à jour.
Or, la réglementation européenne évolue en continu : révision des autorisations d’additifs, mise à jour du catalogue des matières premières ou des matières premières listées au Feed Material register, actualisation de la liste des aliments pour animaux visant des objectifs nutritionnels particuliers…
Un outil d’IA ne peut garantir ni la version la plus récente des règlements, ni la parfaite compréhension des subtilités de certaines matières premières. Certaines entrées au catalogue regroupent en réalité un grand nombre de matières premières de nature ou forme chimique différentes (par exemple : l’entrée 13.1.9 « Produits de la transformation de plantes » qui regroupe des matières premières très diverses, sans pour autant que toutes les plantes ou parties soient autorisées en alimentation animale).
L’IA, dépourvue de discernement chimique ou botanique, ne peut évaluer si une forme, un extrait ou un procédé d’obtention est conforme.
L’IA confond fréquemment :
Les allégations du type « stimule le système immunitaire » ou « soutient l’équilibre du microbiote » relèvent d’un équilibre délicat entre communication et réglementation. Toute allégation doit être loyale, vérifiable et fondée sur des preuves scientifiques adaptées à l’espèce et à la dose utilisée.
Une allégation ne doit jamais reprendre ni impliquer un “objectif nutritionnel particulier” du règlement 2020/354, sous peine de faire entrer le produit dans le champ des aliments diététiques.
Formuler une allégation non conforme n’est pas anodin : au-delà du risque réglementaire, cela peut constituer une pratique commerciale trompeuse, au sens du Règlement (CE) 767/2009 et du Code de la consommation (article L121-2).
Une allégation non justifiée ou scientifiquement fragile peut être considérée comme frauduleuse, entraînant retrait du produit, amende ou suspension d’activité.
En alimentation animale, l’allégation engage directement la responsabilité du metteur en marché, identifié comme responsable de l’étiquetage sur le produit.
Ainsi, un simple excès de vocabulaire marketing (“stimule”, “soigne”, “prévient une maladie”) peut faire requalifier le produit en médicament vétérinaire, avec des conséquences lourdes : procédure ANMV, retrait immédiat du marché et atteinte à la réputation de la marque.
La conformité repose sur la capacité à prouver chaque décision : statut des ingrédients, justification analytique, etc.
Une IA générative ne fournit pas d’audit trail clair : références pas toujours vérifiées, pas de version du texte, pas de source officielle.
En cas de contrôle, la responsabilité incombe toujours à l’entreprise, pas à l’algorithme.
Il n’est pas rare que l’IA invente :
Ces erreurs, difficiles à détecter sans expertise, peuvent exposer le metteur en marché à une non-conformité majeure.
Exemple concret : un aliment complémentaire corrigé chez Djinco
Un metteur en marché d’un nouvel aliment complémentaire nous a récemment consultés après avoir utilisé un outil d’IA pour générer une “vérification réglementaire” complète.
À l’examen, plusieurs points ont nécessité une révision :
Après vérification et reformulation, le produit a été entièrement remis en conformité et prêt à être commercialisé, ce que l’IA n’avait pas permis d’atteindre.
Ce que l’IA peut (et ne peut pas) faire dans le feed
Ce que l’IA peut (et ne peut pas) faire dans le feed
✅ Utile pour :
• générer des brouillons d’étiquettes ou de fiches produits
• assister à la mise en forme de documents techniques
• aider à la recherche de textes ou de mots-clés réglementaires.
❌ Inadéquate pour :
• valider la conformité d’un produit
• déterminer le statut exact d’un ingrédient ou additif
• interpréter une allégation à la frontière du médicament
• assumer une responsabilité réglementaire en cas de contrôle.
Bonnes pratiques pour un usage raisonné de l’IA en alimentation animale
Conclusion
L’intelligence artificielle représente un formidable outil d’accélération, mais certainement pas un outil de validation.
Dans un environnement aussi strict que celui de l’alimentation animale européenne, elle ne peut remplacer ni la lecture critique des règlements, ni la compréhension scientifique et juridique qu’exige chaque produit.
Le cas que nous avons traité chez Djinco le prouve : l’IA peut proposer, mais seul l’expert garantit.
Aujourd’hui, la conformité réglementaire reste une affaire d’expertise humaine, rigoureuse, traçable et adaptée à chaque marché.
Demain, la réussite passera par une approche hybride : IA pour la productivité, humain pour la fiabilité.
Et pour naviguer dans cette complexité, s’entourer d’un partenaire comme Djinco, c’est choisir la rigueur scientifique et la sérénité réglementaire.